Une programmation de courts métrages expérimentaux québécois pour accompagner notre dossier « Lieux et résistances ».
« En tant qu’individu qui fait des films depuis 20 ans, je suis dégoûté par ces grands-messes de la nostalgie, par ces répétitions infinies de gestes et d’œuvres qui m’ennuyaient déjà dans les années 1980 lorsqu’il m’arrivait de tomber sur elles. Malheureusement, le petit monde du cinéma marginal est squatté, occupé, envahi depuis des lustres par des programmateurs formalistes intellos aux nobles sentiments pour qui l’idée de l’excellence équivaut au patrimoine de qualité d’une marque internationale. » — Mike Hoolboom
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« Contribuer au développement d'une communauté, créer des espaces de partage et de diffusion pour favoriser le rayonnement d’œuvres souvent sous-exposées, offrir des lieux et des instants qui encouragent la rencontre et un dialogue, mettre de l’avant la pratique d’artistes que l’on respecte, faire et promouvoir un cinéma personnel au sens large du terme : il y a quelque chose ici de l’ordre du don tout aussi qui inspire peut-être d’autres à en faire de même, à leur façon. Une sorte d’effet papillon de la rencontre cinématographique et humaine. » — Emma Roufs
Quoi de plus passionnant que de les lire, de les écouter ? Rester à l’affût des pensées qui échappent aux regards aveuglés. Les limites se trouvent dans les mots de celleux qui veulent restreindre et rendre immuable des pratiques constamment à la recherche de mouvements et de ruptures. Lors de mes études universitaires en cinéma, j’ai été confrontée à ces discours cinéphiliques panthéoniques et désincarnés. On nous a répété qu’une pensée, qu’un art noble devait s’élever hors du corps ; comment transcender alors cette lecture bon marché de la cinéphilie dominante ? Pourquoi ne pas se prêter à un exercice de santé quotidien qui consisterait à une remise en question des formes d’oppression idéologiques du cinéma ?
Dans ce dossier sur le cinéma expérimental au Québec, nous avons tenté de rester à l’écoute des émotions viscérales des artistes, des cinéastes, des vidéastes pour contribuer à réfléchir aux trajectoires considérées comme déviantes ou boudées par notre belle communauté du cinéma. Loin d’une quelconque exhaustivité ou linéarité historique, nous sommes allé·e ·s cueillir des paroles, des formes et des sons inspirant·e·s. Ces traversées artistiques, non dénuées d’un regard politique et critique et abondamment ancrées dans le collectif, proposent de déroger de nos tendances cinéphiles irrépressibles pour mieux se plonger au cœur d’imaginaires pluriels et poétiques.
Ce programme de remise en forme vous invite à la (re)découverte de sept courts métrages expérimentaux aux esthétiques et aux idées audacieuses ; aux esprits de contestation délurés, aux cris révolutionnaires aspirant autant aux déchaînements des passions qu’au repos salvateur d’un chat endormi au bord de la fenêtre. Dans un dialogue constant entre différentes langues, paysages, temporalités, spatialités et trajectoires politiques, cette sélection offre un échantillon de pratiques interrogeant le territoire et l’identité aussi bien d’un point de vue géographique, décolonial, que médiatique, technologique et artistique. Revisitant ou déconstruisant les allégeances aux grand·e·s maîtres et maîtresses du cinéma, chacun de ces films se trouve à être, pour reprendre le titre d’Anne-Marie Bouchard, des tableaux mouvants aux ramifications sensorielles multiples et profondément tournées vers l’endogénéité. Si la culture cinéphile est longtemps restée muette face à un champ artistique et politique qui lui échappe, les cinémas expérimentaux du Québec, sont sans conteste, des œuvres de sociabilités organiques et technologiques empreintes de résistances détournant le champ d’un discours normatif vers des échappées lumineuses porteuses de rêves et d’espoirs communs.